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CHAPITRE XVII


Boris n’apprit la mort de Bronja que par une visite que fit Madame Sophroniska à la pension, un mois plus tard. Depuis la triste lettre de son amie, Boris était resté sans nouvelles. Il vit Madame Sophroniska entrer dans le salon de Madame Vedel, où il se tenait selon sa coutume à l’heure de la récréation, et comme elle était en grand deuil, avant même qu’elle n’eût parlé, il comprit tout. Ils étaient seuls dans la pièce. Sophroniska prit Boris dans ses bras et tous deux mêlèrent leurs larmes. Elle ne pouvait que répéter : — « Mon pauvre petit… Mon pauvre petit… », comme si Boris surtout était à plaindre et comme oubliant son chagrin maternel devant l’immense chagrin de cet enfant.

Madame Vedel, qu’on avait été prévenir, arriva, et Boris, encore tout secoué de sanglots, s’écarta pour laisser causer les deux dames. Il aurait voulu qu’on ne parlât pas de Bronja. Madame Vedel, qui ne l’avait pas connue, parlait d’elle comme elle eût fait d’un enfant ordinaire. Les questions même qu’elle posait, paraissaient à Boris indélicates dans leur banalité. Il eût voulu que Sophroniska n’y répondît