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« Il s’arrêta de nouveau. Je crus entendre ce qu’il voulait dire et achevai pour lui :

« — S’il devenait un honnête garçon ?… Non, mon petit. Et soudain les larmes me montèrent aux yeux. Je posai ma main sur son épaule. Mais lui, se dégageant :

« — Car enfin, s’il n’avait pas volé, vous n’auriez pas écrit tout cela.

« Je compris alors seulement mon erreur. Au fond, Georges se trouvait flatté d’avoir occupé si longtemps ma pensée. Il se sentait intéressant, J’avais oublié Profitendieu ; c’est Georges qui m’en fit souvenir.

« — Et qu’est-ce qu’il vous a raconté, votre juge d’instruction ?

« — Il m’a chargé de t’avertir qu’il savait que tu faisais circuler de fausses pièces…

« Georges de nouveau changea de couleur. Il comprit qu’il ne servirait à rien de nier, mais protesta confusément :

« — Je ne suis pas le seul.

« — …et que si vous ne cessiez pas aussitôt ce trafic, continuai-je, toi et tes copains, il se verrait forcé de vous coffrer.

« Georges était devenu très pâle d’abord. Il avait à présent le feu aux joues. Il regardait fixement devant lui et ses sourcils froncés creusaient au bas de son front deux rides.

« — Adieu, lui dis-je en lui tendant la main. Je te conseille d’avertir également tes camarades. Quant à toi, tiens-le-toi pour dit.