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élèves. On les entendait crier, rire et chanter. Puis un coup de cloche, et soudain le silence se rétablit.

« J’allai voir Azaïs et obtins un mot de lui qui autorisât Georges à quitter l’étude pour venir me parler. Il me rejoignit bientôt dans cette même petite salle où La Pérouse m’avait reçu d’abord.

Sitôt en ma présence, Georges crut devoir prendre un air goguenard. C’était sa façon de dissimuler sa gêne. Mais je ne jurerais pas qu’il fût le plus gêné de nous deux. Il se tenait sur la défensive ; car sans doute s’attendait-il à être morigéné. Il me sembla qu’il cherchait à rassembler au plus tôt les armes qu’il pouvait avoir contre moi, car, avant même que je n’eusse ouvert la bouche, il me demandait des nouvelles d’Olivier sur un ton si gouailleur que je l’aurais volontiers giflé. Il avait barre sur moi. « Et puis, vous savez, je n’ai pas peur de vous. » semblaient dire ses regards ironiques, le pli moqueur de ses lèvres et le ton de sa voix. Je perdis aussitôt toute assurance et n’eus souci que de ne le laisser point paraître. Le discours que j’avais préparé ne me parut soudain plus de mise. Je n’avais pas le prestige qu’il faut pour jouer au censeur. Au fond, Georges m’amusait beaucoup trop.

« — Je ne viens pas te gronder, lui dis-je enfin ; je voudrais seulement t’avertir. (Et, malgré moi, mon visage entier souriait.)

« — Dites d’abord si c’est maman qui vous envoie ?

« — Oui et non. J’ai parlé de toi avec ta mère ; mais il y a quelques jours de cela. Hier j’ai eu, à ton