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Et toute cette nuit, jusqu’au petit matin, ils luttèrent.

Boris voyait confusément Bernard s’agiter. Il crut que c’était sa façon de prier et prit garde de ne point l’interrompre. Pourtant il aurait voulu lui parler, car il sentait une grande détresse. S’étant levé, il s’agenouilla au pied de son lit. Il aurait voulu prier, mais ne pouvait que sangloter :

— Ô Bronja, toi qui vois les anges, toi qui devais m’ouvrir les yeux, tu me quittes ! Sans toi, Bronja, que deviendrai-je ? Qu’est-ce que je vais devenir ?

Bernard et l’ange étaient trop occupés pour l’entendre. Tous deux luttèrent jusqu’à l’aube. L’ange se retira sans qu’aucun des deux fût vainqueur.

Lorsque, plus tard, Bernard sortit à son tour de la chambre, il croisa Rachel dans le couloir.

— J’ai à vous parler, lui dit-elle. Sa voix était si triste que Bernard comprit aussitôt tout ce qu’elle avait à lui dire. Il ne répondit rien, courba la tête, et par grande pitié pour Rachel, soudain prit Sarah en haine et le plaisir qu’il goûtait avec elle en horreur.