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Les nouvelles dispositions prises par celui-ci entraîneront, lui ai-je dit, un remaniement du sommaire ; il pourra se ressaisir de son manuscrit.

« Reçu la visite, bien inattendue, de Monsieur le juge d’instruction Profitendieu. Il s’épongeait le front et respirait fortement, non tant essoufflé d’avoir monté mes six étages, que gêné, m’a-t-il paru. Il gardait son chapeau à la main et ne s’est assis que sur mon invite. C’est un homme de bel aspect, bien découplé et d’une indéniable prestance.

« — Vous êtes, je crois, le beau-frère du président Molinier, m’a-t-il dit. C’est au sujet de son fils Georges que je me suis permis de venir vous trouver. Vous voudrez bien, sans doute, excuser une démarche qui peut d’abord vous paraître indiscrète, mais que l’affection et l’estime que je porte à mon collègue vont suffire à vous expliquer, je l’espère.

« Il prit un temps. Je me levai et fis retomber une portière, par crainte que ma femme de ménage, qui est très indiscrète et que je savais dans la pièce voisine, pût entendre. Profitendieu m’approuva d’un sourire.

« — En tant que juge d’instruction, reprit-il, j’ai à m’occuper d’une affaire qui m’embarrasse extrêmement. Votre jeune neveu s’était déjà commis précédemment dans une aventure… — que ceci reste entre nous, n’est-ce pas — une aventure assez scandaleuse, où je veux croire, étant donné son très jeune âge, que sa bonne foi, son innocence, aient été sur-