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— Et ensuite ?

— Ensuite il faudra chercher. Bah ! je trouverai bien quelque chose. Tu verras ; je te raconterai.

Olivier admire immensément son ami. Il le sait de caractère résolu ; pourtant, il doute encore : à bout de ressources et pressé par le besoin bientôt, ne va-t-il pas chercher à rentrer ? Bernard le rassure : il tentera n’importe quoi plutôt que de retourner près des siens. Et comme il répète à plusieurs reprises et toujours plus sauvagement : n’importe quoi — une angoisse étreint le cœur d’Olivier. Il voudrait parler, mais il n’ose. Enfin, il commence, en baissant la tête et d’une voix mal assurée :

— Bernard… tout de même, tu n’as pas l’intention de… Mais il s’arrête. Son ami lève les yeux et, sans bien voir Olivier, distingue sa confusion.

— De quoi ? demande-t-il. Qu’est-ce que tu veux dire ? Parle. De voler ?

Olivier remue la tête. Non, ce n’est pas cela. Soudain il éclate en sanglots ; il étreint convulsivement Bernard.

— Promets que tu ne te…

Bernard l’embrasse, puis le repousse en riant. Il a compris :

— Ça, je te le promets. Non, je ne ferai pas le marlou. Et il ajoute : — Avoue tout de même que ça serait le plus simple. Mais Olivier se sent rassuré ; il sait bien que ces derniers mots ne sont dits que par affectation de cynisme.

— Ton examen ?

— Oui ; c’est ça qui m’embête. Je ne voudrais