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vant, sans s’en rendre compte, débarrassait d’un gros souci. Celui-ci comprit au ton d’Édouard qu’il venait de faire son jeu, et, sans prendre le temps de se mordre les lèvres :

— Les affaires laissées par Olivier sont dans la chambre qu’il occupait. Vous avez un taxi, sans doute ? On va les y porter. À propos, comment va-t-il ?

— Très bien.

Passavant s’était levé. Édouard fit de même. Tous deux se quittèrent sur un salut des plus froids.

La visite d’Édouard venait de terriblement embêter le comte de Passavant :

— Ouf ! fit-il, en voyant entrer Strouvilhou.

Bien que Strouvilhou lui tînt tête, Passavant se sentait à l’aise avec lui, ou plus exactement : prenait ses aises. Certes il avait affaire à forte partie, le savait, mais se croyait de force et se piquait de le prouver.

— Mon cher Strouvilhou, prenez place, dit-il en poussant vers lui un fauteuil. Je suis vraiment heureux de vous revoir.

— Monsieur le comte m’a fait demander. Me voici tout à son service.

Strouvilhou affectait volontiers avec lui une insolence de laquais ; mais Passavant était fait à ses manières.

— Droit au fait ; il est temps, comme disait l’autre, de sortir de dessous les meubles. Vous avez déjà fait bien des métiers… Je voulais vous proposer