— Vincent ne m’a pas écrit, dit Passavant ; mais j’ai reçu une lettre de Lady Griffith — vous savez bien : la remplaçante — où elle me parle de lui longuement. Tenez : voici la lettre… Après tout, je ne vois pas pourquoi vous n’en prendriez pas connaissance.
Il lui tendit la lettre. Édouard lut :
« Le yacht du prince repartira sans nous de Dakar. Qui sait où nous serons quand cette lettre qu’il emporte vous atteindra ? Peut-être sur les bords de la Casamance, où nous voudrions, Vincent herboriser, moi chasser. Je ne sais plus trop si je l’emmène ou s’il m’emmène ; ou si, plutôt, ce n’est pas le démon de l’aventure qui nous harcèle ainsi tous les deux. Nous avons été présentés à lui par le démon de l’ennui, avec qui nous avions fait connaissance à bord… Ah ! dear, il faut vivre sur un yacht pour apprendre à connaître l’ennui. Par temps de bourrasque, la vie y est encore supportable ; on participe à l’agitation du bateau. Mais à partir de Ténériffe, plus un souffle ; plus une ride sur la mer
De mon désespoir.
Et savez-vous à quoi je me suis occupée depuis lors ?
À haïr Vincent. Oui, mon cher, l’amour nous paraissant trop fade, nous avons pris le parti de nous haïr.
À vrai dire, ça a commencé bien avant ; oui, dès notre embarquement ; d’abord, ce n’était que de l’irritation, une sourde animosité qui n’empêchait