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dites ? Alors, vrai ? vous voulez bien vous occuper de lui ? Cela ne vous dérange pas trop ?… Olivier est un charmant garçon, mais sa présence ici commençait à me gêner terriblement. Je n’osais pas le lui laisser sentir ; il est si gentil… Et je savais qu’il préférait ne pas retourner chez ses parents… Les parents, n’est-ce pas, une fois qu’on les a quittés… Mais, j’y pense, sa mère n’est-elle pas votre demi-sœur ?… ou quelque chose dans ce genre ? Olivier a dû m’expliquer cela, dans le temps. Alors, rien de plus naturel qu’il habite chez vous. Personne ne peut y trouver à sourire (ce dont lui, du reste, ne se faisait pas faute en disant ces mots). Chez moi, vous comprenez, sa présence était plus scabreuse. C’est du reste une des raisons qui me faisaient désirer qu’il partît… Encore que je n’aie guère l’habitude de me soucier de l’opinion publique. Non ; c’était dans son intérêt, plutôt…

L’entretien n’avait pas mal commencé ; mais Passavant ne résistait pas au plaisir de verser sur le bonheur d’Édouard quelques gouttes du poison de sa perfidie. Il en gardait toujours en réserve : on ne sait pas ce qui peut arriver…

Édouard sentit que la patience lui échappait. Mais brusquement il se souvint de Vincent, dont Passavant devait avoir eu des nouvelles. Certes, il s’était bien promis de ne point parler de Vincent à Douviers, si celui-ci venait l’interroger ; mais, pour mieux se dérober à son enquête, il lui paraissait bon d’être lui-même renseigné ; cela fortifierait sa résistance. Il saisit ce prétexte de diversion.