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caractère qu’à une certaine indigence de tempérament. Je me défends de généraliser ; mettons que ce que j’en ai dit ne s’applique qu’à Passavant. Celui-ci n’eut donc pas trop de mal à se persuader que précisément il en avait assez d’Olivier ; qu’en ces deux mois d’été, il avait épuisé tout l’attrait d’une aventure qui risquait d’encombrer sa vie ; qu’au demeurant il s’était surfait la beauté de cet enfant, sa grâce et les ressources de son esprit ; que même il était temps que ses yeux s’ouvrissent sur les inconvénients de confier la direction d’une revue à quelqu’un d’aussi jeune et d’aussi inexpérimenté. Tout bien considéré, Strouvilhou ferait beaucoup mieux son affaire ; en tant que directeur de revue, s’entend. Il venait de lui écrire et l’avait convoqué pour ce matin.

Ajoutons que Passavant se méprenait sur la cause de la désertion d’Olivier. Il pensait avoir excité sa jalousie en se montrant trop empressé à l’égard de Sarah ; se complaisait dans cette idée qui flattait sa fatuité naturelle ; son dépit s’en trouvait calmé.

Il attendait donc Strouvilhou ; et comme il avait donné ordre qu’on fit entrer aussitôt, Édouard bénéficia de la consigne et se trouva devant Passavant sans avoir été annoncé.

Passavant ne laissa point paraître sa surprise. Heureusement pour lui, le rôle qu’il avait à jouer convenait à son naturel et ne déroutait pas ses pensées. Dès qu’Édouard eut exposé le motif de sa visite :

— Combien je suis heureux de ce que vous me