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TROISIÈME PARTIE

son parti beaucoup moins facilement qu’elle ne le disait, de mes rapports avec Olivier ; moins facilement que de tout le reste. Je veux croire qu’elle ne les réprouve pas précisément ; qu’elle s’en félicite même à certains égards, ainsi qu’elle me le laisse entendre ; mais, sans se l’avouer peut-être, elle ne laisse pas d’en ressentir de la jalousie.

« C’est la seule explication que je trouve à ce brusque sursaut de révolte, sitôt ensuite, et sur un sujet qui lui tenait somme toute bien moins à cœur. On eût dit qu’en m’accordant d’abord ce qui lui coûtait davantage, elle venait d’épuiser sa réserve de mansuétude et s’en trouvait soudain dépourvue. De là, ses propos intempérés, extravagants presque, dont elle dût s’étonner elle même en y repensant, et où sa jalousie se trahit.

« Au fond, je me demande quel pourrait être l’état d’une femme qui ne serait pas résignée ? J’entends : d’une « honnête femme »… Comme si ce que l’on appelle « honnêteté », chez les femmes, n’impliquait pas toujours résignation !

« Vers le soir, Olivier a commencé d’aller sensiblement mieux. Mais la vie qui revient, ramène l’inquiétude avec elle. Je m’ingénie à le rassurer.

« Son duel ? — Dhurmer avait fui à la campagne. On ne pouvait pourtant pas courir après lui.

« La revue ? — Bercail s’en occupe.

« Les affaires qu’il a laissées chez Passavant ? — C’est le point le plus délicat. J’ai dû avouer que Georges n’avait pu s’en ressaisir ; mais me suis