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LES FAUX-MONNAYEURS

« Pauline brusquement se redressa. Elle me regarda et haussa les épaules.

« — C’est toujours quand une femme se montre le plus résignée qu’elle paraît le plus raisonnable, s’écria-t-elle comme hargneusement.

« Cette réflexion m’irrita en raison de sa justesse même. Pour n’en rien laisser voir, je repris aussitôt :

« — Rien de nouveau, au sujet des lettres ?

« — De nouveau ? De nouveau !… Qu’est-ce que vous voulez qui arrive de nouveau entre Oscar et moi ?

« — Il attendait une explication.

« — Moi aussi j’attendais une explication. Tout le long de la vie on attend des explications.

« — Enfin, repris-je, un peu agacé, Oscar se sentait dans une situation fausse.

« — Mais, mon ami, vous savez bien qu’il n’y a rien de tel pour s’éterniser, que les situations fausses. C’est affaire à vous, romanciers, de chercher à les résoudre. Dans la vie, rien ne se résout ; tout continue. On demeure dans l’incertitude ; et on restera jusqu’à la fin sans savoir à quoi s’en tenir ; en attendant, la vie continue, continue, tout comme si de rien n’était. Et de cela aussi on prend son parti ; comme de tout le reste… comme de tout. Allons, adieu.

« Je m’affectais péniblement au retentissement de certaines sonorités nouvelles que je distinguais dans sa voix ; une sorte d’agressivité, qui me força de penser (peut-être pas à l’instant même, mais en me remémorant notre entretien) que Pauline