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III


Plenty and peace breeds cowards ; hardness ever
Of hardiness is mother
.

(Shakespeare.)


Olivier s’était mis au lit pour recevoir le baiser de sa mère, qui venait embrasser ses deux derniers enfants dans leur lit tous les soirs. Il aurait pu se rhabiller pour recevoir Bernard, mais il doutait encore de sa venue et craignait de donner l’éveil à son jeune frère. Georges d’ordinaire s’endormait vite et se réveillait tard ; peut-être même ne s’apercevrait-il de rien d’insolite.

En entendant une sorte de grattement discret à la porte, Olivier bondit de son lit, enfonça ses pieds hâtivement dans des babouches et courut ouvrir. Point n’était besoin d’allumer ; le clair de lune illuminait suffisamment la chambre. Olivier serra Bernard dans ses bras.

— Comme je t’attendais ! Je ne pouvais pas croire que tu viendrais. Tes parents savent que tu ne couches pas chez toi ce soir ?

Bernard regardait tout droit devant lui, dans le noir. Il haussa les épaules.