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— Reste.

Mais en disant ce mot, Olivier posait un doigt sur ses lèvres, Il demandait qu’on ne lui parlât pas. Bernard, qui devait se présenter aux épreuves orales dans trois jours, ne circulait plus sans un de ces manuels où se concentre en élixir toute l’amertume des matières de son examen. Il s’installa au chevet de son ami et se plongea dans la lecture. Olivier, le visage tourné du côté du mur, paraissait dormir. Édouard s’était retiré dans sa chambre ; on le voyait paraître par instants à la porte de communication qui restait ouverte. De deux en deux heures, il faisait prendre à Olivier un bol de lait, mais depuis ce matin seulement. Durant toute la journée de la veille, l’estomac du malade n’avait rien pu supporter.

Un long temps passa. Bernard se leva pour partir. Olivier se retourna, lui tendit la main et, tâchant de sourire :

— Tu reviendras demain ?

Au dernier moment, il le rappela, lui fit signe de se pencher, comme s’il craignait que sa voix ne manquât à se faire entendre, et tout bas :

— Non, mais, crois-tu que j’ai été bête !

Puis, comme pour devancer une protestation de Bernard, il porta de nouveau un doigt à ses lèvres :

— Non ; non… Plus tard je vous expliquerai.

Le lendemain, Édouard reçut une lettre de Laura ; quand Bernard revint, il la lui donna à lire :