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fitendieu dans sa chambre, assise sur une petite chaise droite peu confortable. Elle ne pleure pas ; elle ne pense à rien. Elle voudrait, elle aussi, s’enfuir ; mais elle ne le fera pas. Quand elle était avec son amant, le père de Bernard, que nous n’avons pas à connaître, elle se disait : Va, tu auras beau faire ; tu ne seras jamais qu’une honnête femme. Elle avait peur de la liberté, du crime, de l’aisance ; ce qui fit qu’au bout de dix jours elle rentrait repentante au foyer. Ses parents autrefois avaient bien raison de lui dire : Tu ne sais jamais ce que tu veux. Quittons-là. Cécile dort déjà. Caloub considère avec désespoir sa bougie ; elle ne durera pas assez pour lui permettre d’achever un livre d’aventures, qui le distrait du départ de Bernard. J’aurais été curieux de savoir ce qu’Antoine a pu raconter à son amie la cuisinière ; mais on ne peut tout écouter. Voici l’heure où Bernard doit aller retrouver Olivier. Je ne sais trop où il dîna ce soir, ni même s’il dîna du tout. Il a passé sans encombre devant la loge du concierge ; il monte en tapinois l’escalier…