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Quand, au petit matin, Olivier s’était levé, Édouard ne s’était pas d’abord inquiété.

— Je vais me reposer un peu sur le divan, avait dit Olivier. Et comme Édouard craignait qu’il ne prît froid, il avait dit à Olivier d’emporter des couvertures. Un peu plus tard, Édouard s’était levé à son tour. Assurément il venait de dormir sans s’en rendre compte, car à présent il s’étonnait qu’il fît grand jour. Il voulait savoir comment Olivier s’était installé ; il voulait le revoir ; et peut-être qu’un indistinct pressentiment le guidait…

L’atelier était vide. Les couvertures restaient au pied du divan, non dépliées. Une affreuse odeur de gaz l’avertit. Donnant sur l’atelier, une petite pièce servait de salle de bain. L’odeur assurément venait de là. Il y courut ; mais d’abord ne put pousser la porte ; quelque chose faisait obstacle : c’était le corps d’Olivier effondré contre la baignoire, dévêtu, glacé, livide et affreusement souillé de vomissures.

Édouard aussitôt ferma le robinet du chauffe-bain, qui laissait échapper le gaz. Que s’était-il passé ? Accident ? Congestion ?… Il ne pouvait y croire. La baignoire était vide. Il prit le moribond dans ses bras, le porta dans l’atelier, l’étendit sur le tapis, devant la fenêtre grande ouverte. À genoux, tendrement incliné, il l’ausculta. Olivier respirait encore, mais faiblement. Alors Édouard, éperdument, s’ingénia à ranimer ce peu de vie près de s’éteindre ; il souleva rythmiquement les bras mous, pressa les flancs, frictionna le thorax, essaya tout