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— Regardez donc Molinier ! Il est poltron comme une femme.

C’en était trop. Olivier, sans trop savoir ce qu’il faisait, s’élança, la main levée, contre Dhurmer. Il lui semblait s’agiter dans un rêve. Dhurmer esquiva le coup. Comme dans un rêve, la main d’Olivier ne rencontra que le vide.

La confusion devint générale, et, tandis que certains s’affairaient auprès de la présidente, qui continuait à gesticuler en poussant des glapissements aigus, d’autres entouraient Dhurmer qui criait : « Il ne m’a pas touché ! Il ne m’a pas touché !… », et d’autres Olivier qui, le visage en feu, s’apprêtait à s’élancer encore et qu’on avait grand’peine à calmer.

Touché ou non, Dhurmer devait se considérer comme giflé ; c’est ce que Justinien, tout en bouchonnant son œil, s’efforçait de lui faire comprendre. C’était une question de dignité. Mais Dhurmer se souciait fort peu des leçons de dignité de Justinien. On l’entendait répéter obstinément :

— Pas touché… Pas touché…

— Laissez-le donc tranquille, dit des Brousses. On ne peut pas forcer les gens à se battre malgré eux.

Olivier, pourtant, déclarait à voix haute que, si Dhurmer ne se trouvait pas satisfait, il était prêt à le gifler encore ; et, résolu à mener l’autre sur le terrain, demandait à Bernard et à Bercail de bien vouloir lui servir de témoins. Aucun d’eux ne connaissait rien aux affaires dites « d’honneur » ; mais