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ce soir ; et pas une goutte d’eau, je te prie de le croire ; ni même de vin : rien que de l’absinthe et des liqueurs fortes. Passavant craint qu’il ne commette quelque excentricité.

En dépit de lui, le nom de Passavant revenait sur ses lèvres et d’autant plus obstinément qu’il eût voulu plus l’éviter.

Exaspéré de se voir si peu maître de lui, et comme traqué par lui-même, il changea de terrain :

— Tu devrais aller causer un peu avec Dhurmer. Je crains qu’il ne m’en veuille à mort de lui avoir soufflé la direction d’Avant-Garde ; mais ce n’est pas ma faute ; je n’ai pas pu faire autrement que d’accepter. Tu devrais tâcher de lui faire comprendre, de le calmer. Pass… On m’a dit qu’il était très monté contre moi.

Il avait trébuché, mais cette fois n’était pas tombé.

— J’espère qu’il a repris sa copie. Je n’aime pas ce qu’il écrit, dit Bercail ; puis, se tournant vers Profitendieu : — Mais, vous, Monsieur, je pensais que…

— Oh ! ne m’appelez donc pas Monsieur… Je sais bien que je porte un nom encombrant et ridicule… Je compte prendre un pseudonyme, si j’écris.

— Pourquoi ne nous avez-vous rien donné ?

— Parce que je n’avais rien de prêt.

Olivier, laissant causer ses deux amis, se rapprocha d’Édouard.

— Que vous êtes gentil d’être venu ! Il me tardait tant de vous revoir. Mais j’aurais souhaité de vous