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CHAPITRE VIII


Il avait donc été convenu que Bernard et Édouard, après avoir dîné ensemble, passeraient prendre Sarah un peu avant dix heures. Avertie par Armand, elle avait accepté joyeusement la proposition. Vers neuf heures et demie, elle s’était retirée dans sa chambre, où l’avait accompagnée sa mère. On traversait, pour s’y rendre, la chambre des parents ; mais une autre porte, censément condamnée, menait de la chambre de Sarah à celle d’Armand, qui, d’autre part, ouvrait, nous l’avons dit, sur un escalier de service.

Sarah, devant sa mère, avait fait mine de se coucher et demandé qu’on la laissât dormir ; mais, sitôt seule, elle s’était approchée de sa toilette pour raviver l’éclat de ses lèvres et de ses joues. La table de toilette masquait la porte condamnée, table qui n’était pas si lourde que Sarah ne pût la déplacer sans bruit. Elle ouvrit la porte secrète.

Sarah craignait de rencontrer son frère, dont elle redoutait les moqueries. Armand favorisait, il est vrai, ses entreprises les plus hardies ; on eût dit qu’il y prenait plaisir, mais seulement par une sorte