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peur de devoir être trop sévère ; ou de ne pas savoir l’être assez. Une fois de plus, j’ai fait celle qui ignore, mais le cœur bien tourmenté, je vous assure. J’avais laissé le temps passer et me disais qu’il serait déjà trop tard et que la punition suivrait de trop loin la faute. Et comment le punir ? Je n’ai rien fait ; je me le reproche… mais qu’eussè-je pu faire ?

« J’avais pensé à l’envoyer en Angleterre ; je voulais même vous demander conseil à ce sujet, mais je ne savais pas où vous étiez… Du moins ne lui ai-je pas caché ma peine et mon inquiétude, et je crois qu’il y aura été sensible, car il a bon cœur, vous le savez. Je compte plus sur les reproches qu’il aura pu se faire à lui-même, si tant est que vraiment ce soit lui, qu’à ceux que j’aurais pu lui faire. Il ne recommencera pas, j’en suis sûre. Il était là-bas avec un camarade très riche qui l’entraînait, sans doute, à dépenser. Sans doute aurai-je laissé l’armoire ouverte… Et, encore une fois, je ne suis pas bien sûre que ce soit lui. Beaucoup de gens de passage circulaient dans l’hôtel…

« J’admirais avec quelle ingéniosité elle mettait en avant ce qui pouvait disculper son enfant.

« — J’aurais souhaité qu’il eût remis l’argent où il l’avait pris, dis-je.

« — Je me le suis bien dit. Et comme il ne le faisait pas, j’ai voulu voir là une preuve de son innocence. Je me suis dit aussi qu’il n’osait pas.

« — En avez-vous parlé à son père ?

« Elle hésita quelques instants :