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« Pauline alors saisit ma main :

« — Que vous êtes bon, s’écria-t-elle.

« Gêné de la voir ainsi se méprendre, et ne pouvant la détromper, je voulus du moins détourner l’entretien d’un sujet qui me mettait trop mal à l’aise.

« — Et Georges ? demandai-je.

« — Il me donne plus de soucis que ne m’en ont donné les deux autres, reprit-elle. Je ne puis dire avec lui que je perde prise, car il n’a jamais été confiant ni soumis.

« Elle hésita quelques instants. Certainement, ce qui suit lui coûtait à dire.

« — Il s’est passé cet été un fait grave, reprit-elle enfin ; un fait qu’il m’est assez pénible de vous raconter, et au sujet duquel j’ai, du reste, gardé quelques doutes… Un billet de cent francs a disparu de l’armoire où j’avais l’habitude de serrer mon argent. La crainte de soupçonner à tort m’a retenu d’accuser personne ; la bonne qui nous servait à l’hôtel est une très jeune fille qui me paraissait honnête. J’ai dit devant Georges que j’avais perdu cet argent ; autant vous avouer que mes soupçons se portaient sur lui. Il ne s’est pas troublé, n’a pas rougi… J’ai pris honte de mes soupçons ; j’ai voulu me persuader que je m’étais trompée ; j’ai refait mes comptes. Hélas ! il n’y avait pas moyen d’en douter : cent francs manquaient. J’ai hésité à l’interroger et finalement je ne l’ai point fait. La crainte de le voir ajouter à un vol, un mensonge, m’a retenue. Ai-je eu tort ?… Oui, je me reproche à présent de ne pas avoir été plus pressante ; peut-être aussi ai-je eu