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qui tiennent leurs parents, qui nous tiennent. C’est parfait. Tu piges ?

Léon pigeait à merveille. Il ricanait.

— Le petit Georges… commença-t-il.

— Eh bien, quoi ? le petit Georges…

— Molinier ; je crois qu’il est mûr. Il a chipé des lettres à son père, d’une demoiselle de l’Olympia.

— Tu les as vues ?

— Il me les a montrées. Je l’écoutais, qui causait avec Adamanti. Je crois qu’ils étaient contents que je les entende ; en tout cas, ils ne se cachaient pas de moi ; j’avais pris pour cela mes mesures et leur avais déjà servi un plat de ta façon, pour les mettre en confiance. Georges disait à Phiphi (affaire de l’épater) : « Mon père, lui, il a une maîtresse. » À quoi Phiphi, pour ne pas rester en retard, ripostait : « Mon père, à moi, il en a deux. » C’était idiot, et il n’y avait pas de quoi se frapper ; mais je me suis rapproché et j’ai dit à Georges : « Qu’est-ce que tu en sais ? » — « J’ai vu des lettres », m’a-t-il dit. J’ai fait semblant de douter ; j’ai dit : « Quelle blague… » Enfin, je l’ai poussé à bout ; il a fini par me dire que ces lettres, il les avait sur lui ; il les a sorties d’un gros portefeuille, et me les a montrées.

— Tu les as lues ?

— Pas eu le temps. J’ai seulement vu qu’elles étaient de la même écriture ; l’une d’elles adressée à : « Mon gros minon chéri. »

— Et signées ?

— « Ta souris blanche. » J’ai demandé à Georges : « Comment les as-tu prises ? » Alors, en rigolant, il a