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Il a envie de demander : — Tu es sûr au moins qu’ils sont bons, ceux-là ? mais se retient.

Georges avait payé un franc la fausse pièce. Il avait été convenu qu’on partagerait la monnaie. Il tend trois francs à Ghéridanisol. Quant à Phiphi, il n’aura pas un sou ; tout au plus une cigarette ; ça lui servira de leçon.

Encouragé par cette première réussite, Phiphi, maintenant, voudrait bien. Il demande à Léon de lui vendre une seconde pièce. Mais Léon trouve Phiphi flanchard, et, pour le remonter à bloc, il affecte un certain mépris pour sa préalable couardise et feint de le bouder. « Il n’avait qu’à se décider plus vite ; on jouerait sans lui ». Du reste, Léon juge imprudent de risquer une nouvelle expérience trop voisine de la première. Et puis, à présent, il est trop tard. Son cousin Strouvilhou l’attend pour déjeuner.

Ghéridanisol n’est pas si gourde qu’il ne sache écouler lui-même ses pièces ; mais, suivant les instructions de son grand cousin, il cherche à s’assurer des complices. Il rendra compte de sa mission bien remplie.

— Les gosses de bonne famille, tu comprends c’est ceux-là qu’il nous faut, parce qu’ensuite, l’affaire s’évente, les parents travaillent à l’étouffer (C’est le cousin Strouvilhou, son correspondant intérimaire, qui lui parle ainsi, tandis qu’ils déjeunent.) — Seulement, avec ce système de vendre les pièces une à une, ça les écoule trop lentement. J’ai cinquante-deux boîtes de vingt pièces,