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d’ironique mépris, propre à éperonner Philippe. Et Ghéridanisol, supérieur :

— Mes agneaux, si vous ne voulez pas, autant le dire tout de suite. Je ne suis pas embarrassé pour trouver d’autres types qui auront plus de culot que vous. Allons, rends-moi ça.

Il se tourne vers Georges, qui tient une petite pièce dans sa main fermée.

— Chiche, que j’y vais ! s’écrie Georges, dans un brusque élan. Venez avec moi. (Ils sont devant un bureau de tabac.)

— Non, dit Léon ; on t’attend au coin de la rue. Viens, Phiphi.

Georges ressort un instant après de la boutique ; il tient à la main un paquet de cigarettes dites « de luxe » ; en offre à ses amis.

— Eh bien ? demande anxieusement Phiphi.

— Eh bien, quoi ? riposte Georges, d’un air d’indifférence affectée, comme si ce qu’il venait de faire était devenu soudain si naturel qu’il ne valût pas la peine d’en parler. Mais Philippe insiste :

— Tu l’as passée ?

— Parbleu !

— On ne t’a rien dit ?

Georges hausse les épaules :

— Qu’est-ce que tu voulais qu’on me dise ?

— Et on t’a rendu la monnaie ?

Cette fois Georges ne daigne même plus répondre.

Mais comme l’autre, encore un peu sceptique et craintif, insiste : « Fais voir », Georges sort l’argent de sa poche. Philippe compte : les sept francs y sont.