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Allons ! qu’est-ce que c’est encore ? La porte de son bureau s’est ouverte sans bruit ; vite, il glisse la lettre dans la poche intérieure de son veston ; la portière tout doucement se soulève. C’est Caloub.

— Papa, dis… Qu’est-ce que ça veut dire, cette phrase latine. Je n’y comprends rien…

— Je t’ai déjà dit de ne pas entrer sans frapper. Et puis je ne veux pas que tu viennes me déranger comme çà à tout bout de champ. Tu prends l’habitude de te faire aider et de te reposer sur les autres, au lieu de donner un effort personnel. Hier, c’était ton problème de géométrie, aujourd’hui c’est une… de qui est-elle ta phrase latine ?

Caloub tend son cahier :

— Il ne nous a pas dit ; mais, tiens, regarde : toi tu vas reconnaître. Il nous l’a dictée, mais j’ai peut-être mal écrit. Je voudrais savoir au moins si c’est correct…

Monsieur Profitendieu prend le cahier, mais il souffre trop. Il repousse doucement l’enfant :

— Plus tard. On va dîner. Charles est-il rentré ?

— Il est redescendu à son cabinet. (C’est au rez-de-chaussée que l’avocat reçoit sa clientèle.)

— Va lui dire qu’il vienne me trouver. Va vite.

Un coup de sonnette ! Madame Profitendieu rentre enfin ; elle s’excuse d’être en retard ; elle a dû faire beaucoup de visites. Elle s’attriste de trouver son mari souffrant. Que peut-on faire pour lui ? C’est vrai qu’il a très mauvaise mine. — Il ne pourra manger. Qu’on se mette à table sans lui. Mais qu’après le repas elle vienne le retrouver avec