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puis s’écarte. Il est un peu gêné par sa mise. Il le devient plus encore lorsque Bernard, enfin délivré, s’avance dans la cour et s’écrie, en lui tendant la main :

— Qu’il est beau !

Olivier, qui croyait ne plus jamais rougir, rougit. Comment ne pas voir, dans ces mots, malgré leur ton très cordial, de l’ironie ? Bernard, lui, porte le même costume encore, qu’il avait le soir de sa fuite. Il ne s’attendait pas à trouver Olivier. Tout en le questionnant, il l’entraîne. La joie qu’il a de le revoir est subite. S’il a d’abord un peu souri devant le raffinement de sa mise, c’est sans malice aucune ; il a bon cœur ; il est sans fiel.

— Tu déjeunes avec moi, hein ? Oui, je dois rappliquer à une heure et demie pour le latin. Ce matin, c’était le français.

— Content ?

— Moi, oui. Mais je ne sais pas si ce que j’ai pondu sera du goût des examinateurs. Il s’agissait de donner son avis sur quatre vers de La Fontaine :

Papillon du Parnasse, et semblable aux abeilles
À qui le bon Platon compare nos merveilles,
Je suis chose légère et vole à tout sujet,
Je vais de fleur en fleur et d’objet en objet.


Dis un peu, qu’est-ce que tu aurais fait avec ça ?

Olivier ne put résister au désir de briller :

— J’aurais dit qu’en se peignant lui-même, La Fontaine avait fait le portrait de l’artiste, de celui qui consent à ne prendre du monde que l’extérieur,