Page:Gide - Les Faux-monnayeurs.djvu/332

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À la sortie du lycée, Georges et Phiphi avaient enfin pu se rejoindre. S’acheminant vers la pension Azaïs avec les autres pensionnaires, mais un peu à l’écart de ceux-ci, de manière à pouvoir parler librement :

— Tu ferais aussi bien de cacher ça, avait commencé Georges, en pointant du doigt la rosette jaune que Phiphi continuait d’arborer à sa boutonnière.

— Pourquoi ? avait demandé Philippe, qui s’apercevait que Georges ne portait plus la sienne.

— Tu risques de te faire choper. Mon petit, je voulais te dire ça avant la classe ; tu n’avais qu’à arriver plus tôt. Je t’ai attendu devant la porte, pour t’avertir.

— Mais je ne savais pas, avait dit Phiphi.

— Je ne savais pas. Je ne savais pas, avait repris Georges en l’imitant. Tu devais penser que j’avais peut-être des choses à te dire, du moment que je n’avais pas pu te revoir à Houlgate.

Le perpétuel souci de ces deux enfants est de prendre barre l’un sur l’autre. Phiphi doit à la situation et à la fortune de son père certains avantages ; mais Georges l’emporte de beaucoup par son audace et son cynisme. Phiphi doit se forcer un peu pour ne pas rester en arrière. Ce n’est pas un méchant garçon ; mais il est mou.

— Eh bien ! sors-les, tes choses, avait-il dit.

Léon Ghéridanisol, qui s’était rapproché d’eux, les écoutait. Il ne déplaisait pas à Georges d’être entendu par lui ; si l’autre l’avait épaté tantôt,