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refuse souvent à leurs jeux. C’est aussi qu’il préfère la lecture aux jeux qui ne sont pas de plein air. Il aime le sport ; tous les sports ; mais de préférence les solitaires ; c’est aussi qu’il est fier et qu’il ne fraie pas avec tous. Les dimanches, suivant la saison, il patine, nage, canote, ou part pour d’immenses courses dans la campagne. Il a des répugnances, et qu’il ne cherche pas à vaincre ; non plus qu’il ne cherche à élargir son esprit, mais bien plutôt à l’affermir. Il n’est peut-être pas si simple qu’il se croit, qu’il cherche à se faire ; nous l’avons vu au chevet du lit de mort de son père ; mais il n’aime pas les mystères, et dès qu’il n’est plus pareil à lui, se déplaît. S’il arrive à se maintenir à la tête de sa classe, c’est par application, non par facilité. Boris trouverait protection près de lui, s’il savait seulement la chercher ; mais c’est son voisin Georges qui l’attire. Quant à Georges, il n’a d’attention que pour Ghéri, qui n’a d’attention pour personne.

Georges avait d’importantes nouvelles à communiquer à Philippe Adamanti, mais qu’il jugeait plus prudent de ne pas lui écrire.

Arrivé devant la porte du lycée, ce matin de rentrée, un quart d’heure avant l’ouverture des classes, il l’avait vainement attendu. C’est en faisant les cent pas devant la porte qu’il avait entendu Léon Ghéridanisol apostropher si spirituellement une jeune femme ; à la suite de quoi les deux galopins étaient entrés en conversation, pour découvrir, à la grande joie de Georges, qu’ils allaient être camarades de pension.