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IV


Il faisait très chaud, ce jour-là. Par les fenêtres ouvertes de la pension Vedel, on voyait les cimes des arbres du jardin, sur lequel flottait encore une immense quantité d’été disponible.

Ce jour de rentrée était pour le vieil Azaïs l’occasion d’un discours. Il se tenait au pied de la chaire, debout, face aux élèves, comme il sied. Dans la chaire, le vieux La Pérouse siégeait. Il s’était levé à l’entrée des élèves ; mais un geste amical d’Azaïs l’avait invité à se rasseoir. Son regard inquiet s’était d’abord posé sur Boris, et ce regard gênait Boris d’autant plus qu’Azaïs, dans son discours, présentant aux enfants leur nouveau maître, avait cru devoir faire une allusion à la parenté de celui-ci avec l’un d’eux. La Pérouse cependant s’affectait de ne rencontrer point le regard de Boris ; indifférence, froideur, pensait-il.

— Oh ! pensait Boris, qu’il me laisse tranquille ! qu’il ne me fasse pas « remarquer » ! Ses camarades le terrifiaient. Au sortir du lycée, il avait dû se joindre à eux, et, durant le trajet du lycée à la « boîte », avait entendu leurs propos ; il aurait voulu se