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seront prêts dans un instant. Si vous me le permettez, je resterai pour vous les voir prendre ; oui, cela me fera plaisir. Il m’a été très pénible de vous entendre dire, tout à l’heure, que vous ne pouviez plus faire de bien à personne. Vous semblez oublier votre petit-fils. Votre ami, Monsieur Azaïs, vous propose de venir vivre près de lui, à la pension. Il m’a chargé de vous le dire. Il pense qu’à présent que Madame de La Pérouse n’est plus ici, rien ne vous retient.

« Je m’attendais à quelque résistance, mais c’est à peine s’il s’informa des conditions de la nouvelle existence qui s’offrait à lui.

« — Si je ne me suis pas tué, je n’en suis pas moins mort. Ici ou là, peu m’importe, disait-il. Vous pouvez m’emmener.

« Je convins que je viendrais le prendre le surlendemain ; que d’ici là, je mettrais à sa disposition deux malles, pour qu’il y puisse ranger les vêtements dont il aurait besoin et ce qu’il tiendrait à cœur d’emporter.

« — Du reste, ajoutai-je, comme vous conserverez la disposition de cet appartement jusqu’à expiration de bail, il sera toujours temps d’y venir chercher ce qui vous manque.

« La servante apporta les œufs, qu’il dévora. Je commandai pour lui un dîner, tout soulagé de voir enfin le naturel reprendre le pas.

« — Je vous donne beaucoup de mal, répétait-il ; vous êtes bon.

« J’aurais voulu qu’il me confiât ses pistolets dont,