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mimique ; les sentiments qu’il m’exprimait, ni son visage, ni sa voix, ne me paraissaient faits pour les rendre ; on eût dit une contre-basse s’essayant à des effets d’alto ; son instrument n’obtenait que des couacs.

« — Vous me disiez que Georges était avec elle…

« — Oui ; elle n’avait pas voulu le laisser seul. Mais naturellement, à Paris, il n’était pas toujours sur son dos… Si je vous disais, mon cher, que depuis vingt-six ans de ménage, je n’ai jamais eu avec elle la moindre scène, pas la plus petite altercation… Quand je songe à celle qui se prépare… car Pauline rentre dans deux jours… Ah ! tenez, parlons d’autre chose. Eh bien ! qu’est-ce que vous dites de Vincent ? Le prince de Monaco, une croisière… Peste !… Comment, vous ne saviez pas ?… Oui, le voilà parti pour surveiller des sondages et des pêches près des Açores. Ah ! celui-là, je n’ai pas à m’inquiéter de lui, je vous assure ! Il fera bien son chemin tout seul.

« — Sa santé ?

« — Complètement rétablie. Intelligent comme il l’est, je le crois en route pour la gloire. Le comte de Passavant ne m’a pas caché qu’il le tenait pour un des hommes les plus remarquables qu’il eût rencontrés. Il disait même : le plus remarquable… mais il faut faire la part de l’exagération…

« Le repas s’achevait ; il alluma un cigare.

« — Puis-je vous demander, reprit-il, quel est cet ami d’Olivier qui vous a donné de ses nouvelles ?