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eu récemment de ses nouvelles par un de ses camarades et que j’avais appris qu’il voyageait en Corse avec le comte de Passavant.

« — Oui, c’est un ami de Vincent, qui lui a proposé de l’emmener. Comme Olivier venait de passer son bachot assez brillamment, sa mère n’a pas cru devoir lui refuser ce plaisir… C’est un littérateur, ce comte de Passavant. Vous devez le connaître.

« Je ne lui ai point caché que je n’aimais beaucoup ni ses livres ni sa personne.

« — Entre confrères, on se juge quelquefois un peu sévèrement, a-t-il riposté. J’ai tâché de lire son dernier roman, dont certains critiques font grand cas. Je n’y ai pas vu grand’chose ; mais, vous savez, je ne suis pas de la partie… Puis, comme j’exprimais mes craintes sur l’influence que Passavant pourrait avoir sur Olivier :

« — À vrai dire, a-t-il ajouté pâteusement, moi, personnellement, je n’approuvais pas ce voyage. Mais il faut bien se rendre compte qu’à partir d’un certain âge, les enfants nous échappent. C’est dans, la règle, et il n’y a rien à faire à cela. Pauline voudrait rester penchée sur eux. Elle est comme toutes les mères. Je lui dis parfois : « Mais tu les embêtes, tes fils. Laisse-les donc tranquilles. C’est toi qui leur donnes des idées, avec toutes tes questions… » Moi, je tiens que cela ne sert à rien de les surveiller trop longtemps. L’important, c’est qu’une première éducation leur inculque quelques bons principes. L’important, c’est surtout qu’ils aient de qui tenir. L’hérédité, voyez-vous, mon cher, ça triomphe de