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le rechercher, comme il était convenu, une servante lui a ouvert ; Sophroniska a trouvé le vieux assis devant une partie de dames ; l’enfant, dans un coin, à l’autre bout de la pièce, boudait.

« — C’est curieux, a dit La Pérouse tout déconfit ; il avait l’air de s’amuser ; mais il en a eu assez tout à coup. Je crains qu’il ne manque un peu de patience…

« C’était une erreur de les laisser seuls trop longtemps.

« 27 Sept. — Ce matin, rencontré Molinier, sous l’Odéon. Pauline et Georges ne rentrent qu’après-demain. Seul à Paris depuis hier, si Molinier s’ennuyait autant que moi, rien d’étonnant à ce qu’il ait paru ravi de me voir. Nous avons été nous asseoir au Luxembourg, en attendant l’heure du déjeuner, que nous avons convenu de prendre ensemble.

« Molinier affecte avec moi un ton plaisantin, parfois même égrillard, qu’il pense sans doute de nature à plaire à un artiste. Certain souci de se montrer encore vert.

« — Au fond, je suis un passionné, m’a-t-il déclaré. J’ai compris qu’il voulait dire : un libidineux. J’ai souri, comme on ferait en entendant une femme déclarer qu’elle a de très belles jambes ; un sourire qui signifie : « Croyez bien que je n’en ai jamais douté. » Jusqu’à ce jour, je n’avais vu de lui que le magistrat ; l’homme enfin écartait la toge.

« J’ai attendu que nous fussions attablés chez Foyot pour lui parler d’Olivier ; lui ai dit que j’avais