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VII


Le voyageur, parvenu au haut de la colline, s’assied et regarde avant de reprendre sa marche, à présent déclinante ; il cherche à distinguer où le conduit enfin ce chemin sinueux qu’il a pris, qui lui semble se perdre dans l’ombre et, car le soir tombe, dans la nuit. Ainsi l’auteur imprévoyant s’arrête un instant, reprend souffle, et se demande avec inquiétude où va le mener son récit.

Je crains qu’en confiant le petit Boris aux Azaïs, Édouard ne commette une imprudence. Comment l’en empêcher ? Chaque être agit selon sa loi, et celle d’Édouard le porte à expérimenter sans cesse. Il a bon cœur, assurément, mais souvent je préfèrerais, pour le repos d’autrui, le voir agir par intérêt ; car la générosité qui l’entraîne n’est souvent que la compagne d’une curiosité qui pourrait devenir cruelle. Il connaît la pension Azaïs ; il sait l’air empesté qu’on y respire, sous l’étouffant couvert de la morale et de la religion. Il connaît Boris, sa tendresse, sa fragilité. Il devrait prévoir à quels froissements il l’expose. Mais il ne consent plus à considérer que la protection, le renfort et l’appui