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riant. Je lui ai raconté à mon tour ce que je savais de Strouvilhou, et cela m’a amené à lui parler de la pension où nous nous étions rencontrés, des parents de Laura (qui de son côté lui avait fait ses confidences), du vieux La Pérouse enfin, des liens de parenté qui l’attachaient au petit Boris, et de la promesse que je lui avais faite en le quittant de lui amener cet enfant. Comme Sophroniska m’avait dit précédemment qu’elle ne croyait pas souhaitable que Boris continuât à vivre avec sa mère : « Que ne le mettez-vous en pension chez les Azaïs ? » ai-je demandé. En lui suggérant cela, je songeais surtout à l’immense joie du grand-père à savoir Boris tout près de lui, chez des amis, où il pourrait le voir à son gré ; mais je ne puis croire que, de son côté, le petit n’y soit bien. Sophroniska m’a dit qu’elle allait y réfléchir ; au demeurant, extrêmement intéressée par tout ce que je venais de lui apprendre.

« Sophroniska va répétant que le petit Boris est guéri ; cette cure doit corroborer sa méthode ; mais je crains qu’elle n’anticipe un peu. Naturellement je ne veux pas la contredire ; et je reconnais que les tics, les gestes-repentirs, les réticences du langage, ont à peu près disparu ; mais il me semble que la maladie s’est simplement réfugiée dans une région plus profonde de l’être, comme pour échapper au regard inquisiteur du médecin ; et que c’est à présent l’âme même qui est atteinte. De même qu’à l’onanisme avaient succédé les mouvements nerveux, ceux-ci cèdent à présent à je ne sais quelle transe