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de ses mauvaises habitudes. J’avais l’espoir qu’avec ce talisman allaient disparaître les tics et les manies dont il souffre. Mais il s’y raccrochait, et la maladie s’y raccrochait comme à un dernier refuge.

« — Vous dites pourtant qu’il s’était délivré de ses habitudes…

« — La maladie nerveuse n’a commencé qu’ensuite. Elle est née sans aucun doute de la contrainte que Boris a dû exercer sur lui-même pour se libérer. J’ai su par lui que sa mère l’avait surpris un jour en train de « faire de la magie » comme il dit. Pourquoi ne m’a-t-elle jamais parlé de cela ?… Par pudeur ?…

« — Et sans doute parce qu’elle le savait corrigé.

« — C’est absurde… et cela est cause que j’ai tâtonné si longtemps. Je vous ai dit que je croyais Boris parfaitement pur.

« — Vous m’avez même dit que c’était cela qui vous gênait.

« — Vous voyez si j’avais raison !… La mère aurait dû m’avertir. Boris serait déjà guéri, si j’avais pu aussitôt y voir clair.

« — Vous disiez que ces malaises n’ont commencé qu’ensuite…

« — Je dis qu’ils sont nés par protestation. Sa mère l’a grondé, supplié, sermonné, j’imagine. La mort du père est survenue. Boris s’est persuadé que ses pratiques secrètes, qu’on lui peignait comme si coupables, avaient reçu leur châtiment ; il s’est tenu pour responsable de la mort de son père ; il s’est cru criminel, damné. Il a pris peur ; et c’est alors