crois, passer l’éponge. Ce titre pourtant semblait annoncer une histoire… ?
— Oh ! dites-nous ce titre, dit Laura.
— Ma chère amie, si vous voulez… Mais je vous avertis qu’il est possible que j’en change. Je crains qu’il ne soit un peu trompeur… Tenez, dites-le leur, Bernard.
— Vous permettez ?… Les Faux-Monnayeurs, dit Bernard. Mais maintenant, à votre tour, dites-nous : ces faux-monnayeurs… qui sont-ils ?
— Eh bien ! je n’en sais rien, dit Édouard.
Bernard et Laura se regardèrent, puis regardèrent Sophroniska ; on entendit un long soupir ; je crois qu’il fut poussé par Laura.
À vrai dire, c’est à certains de ses confrères qu’Édouard pensait d’abord, en pensant aux faux-monnayeurs ; et singulièrement au vicomte de Passavant. Mais l’attribution s’était bientôt considérablement élargie ; suivant que le vent de l’esprit soufflait ou de Rome ou d’ailleurs, ses héros tour à tour devenaient prêtres ou francs-maçons. Son cerveau, s’il l’abandonnait à sa pente, chavirait vite dans l’abstrait, où il se vautrait tout à l’aise. Les idées de change, de dévalorisation, d’inflation, peu à peu envahissaient son livre, comme les théories du vêtement le Sartor Resartus de Carlyle — où elles usurpaient la place des personnages. Édouard ne pouvant parler de cela, se taisait de la manière la plus gauche, et son silence, qui semblait un aveu de disette, commençait à gêner beaucoup les trois autres.