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dans Boris ? C’est que je le crois d’une très grande pureté.

« — Pourquoi dites-vous que cela vous désoriente ?

« — Parce qu’alors je ne sais plus où chercher la source du mal. Neuf fois sur dix on trouve à l’origine d’un dérangement semblable un gros secret honteux.

« — On le trouve en chacun de nous, peut-être, dis-je ; mais il ne nous rend pas tous malades, Dieu merci.

« À ce moment, Mme Sophroniska se leva ; elle venait de voir à la fenêtre passer Bronja.

« — Tenez, dit-elle en me la montrant ; le voilà, le vrai médecin de Boris. Elle me cherche ; il faut que je vous quitte ; mais je vous reverrai, n’est-ce pas ?

« Je comprends de reste ce que Sophroniska reproche au roman de ne point lui offrir ; mais ici certaines raisons d’art, certaines raisons supérieures, lui échappent, qui me font penser que ce n’est pas d’un bon naturaliste qu’on peut faire un bon romancier.

« J’ai présenté Laura à Mme Sophroniska. Elles semblent s’entendre et j’en suis heureux. J’ai moins scrupule à m’isoler lorsque je sais qu’elles bavardent ensemble. Je regrette que Bernard ne trouve ici aucun compagnon de son âge ; mais du moins son examen à préparer l’occupe de son côté plusieurs heures par jour. J’ai pu me remettre à mon roman. »