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ma cure. — Songez, monsieur, a-t-elle continué, qu’elle entretient ce petit dans un état d’exaltation continuelle, qui favorise chez lui l’éclosion des pires troubles nerveux. Depuis la mort du père, cette femme doit gagner sa vie. Elle n’était que pianiste et je dois dire : une exécutante incomparable ; mais son jeu trop subtil ne pouvait plaire au gros public. Elle s’est décidée à chanter dans les concerts, dans les casinos, à monter sur les planches. Elle emmenait Boris dans sa loge ; je crois que l’atmosphère factice du théâtre a beaucoup contribué à déséquilibrer cet enfant. Sa mère l’aime beaucoup ; mais à vrai dire, il serait souhaitable qu’il ne vécût plus avec elle.

« — Qu’a-t-il au juste ? ai-je demandé.

« Elle se mit à rire :

« — C’est le nom de sa maladie que vous voulez savoir ? Ah ! vous serez bien avancé quand je vous aurai dit un beau nom savant.

« — Dites-moi simplement ce dont il souffre.

« — Il souffre d’une quantité de petits troubles, de tics, de manies, qui font dire : c’est un enfant nerveux, et que l’on soigne d’ordinaire par le repos au grand air et par l’hygiène. Il est certain qu’un organisme robuste ne laisserait pas à ces troubles la licence de se produire. Mais si la débilité les favorise, elle ne les cause pas précisément. Je crois qu’on peut toujours trouver leur origine dans un premier ébranlement de l’être dû à quelque événement qu’il importe de découvrir. Le malade, dès qu’il devient conscient de cette cause, est à moitié guéri. Mais cette