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II


Journal d’Édouard


« Je n’ai pas eu de mal à trouver le petit Boris. Le lendemain de notre arrivée, il s’est amené sur la terrasse de l’hôtel et a commencé de regarder les montagnes à travers une longue-vue montée sur pivot, mise à la disposition des voyageurs. Je l’ai reconnu tout de suite. Une fillette un peu plus grande que Boris l’a bientôt rejoint. J’étais installé tout auprès, dans le salon dont la porte-fenêtre restait ouverte, et ne perdais pas un mot de leur conversation. J’avais grande envie de lui parler, mais j’ai cru plus prudent d’entrer d’abord en relations avec la mère de la petite fille, une doctoresse polonaise à qui Boris a été confié, et qui le surveille de très près. La petite Bronja est exquise ; elle doit avoir quinze ans. Elle porte en nattes d’épais cheveux blonds qui descendent jusqu’à sa taille ; son regard et le son de sa voix semblent plutôt angéliques qu’humains. Je transcris les propos de ces deux enfants :

« — Boris, maman préfère que nous ne touchions