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« — Si l’on pouvait recouvrer l’intransigeance de la jeunesse, ce dont on s’indignerait le plus, c’est de ce qu’on est devenu.

« Il était trop tard pour nous lancer dans une discussion téléologique ; je tentai de le ramener sur son terrain :

« — Vous ne prétendez pourtant pas restreindre la musique à la seule expression de la sérénité ? Dans ce cas, un seul accord suffirait : un accord parfait continu.

« Il me prit les deux mains et, comme en extase, le regard perdu dans une adoration, répéta plusieurs fois :

« — Un accord parfait continu ; oui, c’est cela : un accord parfait continu… Mais tout notre univers est en proie à la discordance, a-t-il ajouté tristement.

« Je pris congé de lui. Il m’accompagna jusqu’à la porte et m’embrassant, murmura encore :

« — Ah ! comme il faut attendre pour la résolution de l’accord ! »