Page:Gide - Les Faux-monnayeurs.djvu/214

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trois mois. Oui ; j’ai marqué la date. Si vous saviez quel soulagement j’éprouve à songer que chaque heure désormais m’en rapproche.

« Il s’était penché vers moi ; il se pencha plus encore :

« — J’ai également mis de côté un titre de rentes. Oh ! ce n’est pas grand chose ; mais je ne pouvais pas faire plus. Madame de La Pérouse ne le sait pas. Il est dans mon secrétaire, sous une enveloppe à votre nom, avec les instructions nécessaires. Puis-je compter sur vous pour m’aider ? Je ne connais rien aux affaires, mais un notaire à qui j’ai parlé, m’a dit que la rente en pourrait être versée directement à mon petit-fils, jusqu’à sa majorité, et qu’alors il entrerait en possession du titre. J’ai pensé que ce ne serait pas trop demander à votre amitié de veiller à ce que cela soit exécuté. Je me méfie tellement des notaires !… Et même, si vous vouliez me tranquilliser, vous accepteriez de prendre aussitôt avec vous cette enveloppe… Oui, n’est-ce pas ?… Je vais vous la chercher.

« Il sortit en trottinant selon son habitude, et reparut avec une grande enveloppe à la main.

« — Vous m’excuserez de l’avoir cachetée ; c’est pour la forme. Prenez-la.

« J’y jetai les yeux et lus, au-dessous de mon nom, en caractères calligraphiés : « À ouvrir après ma mort. »

« — Mettez-la vite dans votre poche, que je la sache en sûreté. Merci… Ah ! je vous attendais tellement !…