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en souriant ironiquement, et a porté une main à son front, signifiant qu’elle était folle. Puis, avec une impatience, une brutalité même, dont je ne l’aurais pas cru capable, et qui semblait justifier les accusations de la vieille (mais due aussi au diapason qu’il devait prendre pour se faire entendre d’elle) :

« — Allons, Madame ! vous devriez comprendre que vous fatiguez Monsieur avec vos discours. Ce n’est pas vous que mon ami venait voir. Laissez-nous.

La vieille alors a protesté que le fauteuil sur lequel elle restait assise était à elle, et qu’elle ne le quitterait pas.

« — Dans ce cas, reprit La Pérouse en ricanant, si vous le permettez, c’est nous qui sortirons. Puis, tourné vers moi, et sur un ton tout radouci :

« — Venez ! laissons-la.

« J’ai ébauché un salut gêné et l’ai suivi dans la pièce voisine, celle même où il m’avait reçu la dernière fois.

« — Je suis heureux que vous ayez pu l’entendre, m’a-t-il dit. Eh bien ! c’est comme cela tout le long du jour.

« Il alla fermer les fenêtres :

« — Avec le vacarme de la rue, on ne s’entend plus. Je passe mon temps à refermer ces fenêtres, que Madame de La Pérouse passe son temps à rouvrir. Elle prétend qu’elle étouffe. Elle exagère toujours. Elle refuse de se rendre compte qu’il fait plus chaud dehors que dedans. J’ai là pourtant un petit thermomètre ; mais quand je le lui montre, elle me dit