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l’impression de la fin de tout, de la mort… mais sans parler de la mort, naturellement,

— Oui, je vois ça très bien, dit Olivier qui songeait à Bernard et n’avait pas écouté un mot.

— Et ça n’est pas tout ; ça n’est pas tout ! reprit Lucien avec ardeur. Je voudrais, dans une espèce d’épilogue, montrer cette même allée, la nuit, après que tout le monde est parti, déserte, beaucoup plus belle que pendant le jour ; dans le grand silence, l’exaltation de tous les bruits naturels : le bruit de la fontaine, du vent dans les feuilles, et le chant d’un oiseau de nuit. J’avais pensé d’abord à y faire circuler des ombres, peut-être des statues… mais je crois que ça serait plus banal ; qu’est-ce que tu en penses ?

— Non, pas de statues, pas de statues, protesta distraitement Olivier ; puis, sous le regard triste de l’autre : Eh bien, mon vieux, si tu réussis, ce sera épatant, s’écria-t-il chaleureusement.