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l’assentiment complet de tout l’être ! Le cœur, dès qu’il s’en mêle, engourdit et paralyse le cerveau.

« 7 heures. — Ma valise est retrouvée ; ou du moins celui qui me l’a prise. Qu’il soit l’ami le plus intime d’Olivier, voilà qui tisse entre nous un réseau, dont il ne tient qu’à moi de resserrer les mailles. Le danger, c’est que je prends à tout événement inattendu un amusement si vif qu’il me fait perdre de vue le but à atteindre.

« Revu Laura. Mon désir d’obliger s’exaspère dès qu’il s’y mêle quelque difficulté, dès qu’il doit s’insurger contre le convenu, le banal et le coutumier.

« Visite au vieux La Pérouse. C’est Madame de La Pérouse qui est venue m’ouvrir. Il y avait plus de deux ans que je ne l’avais revue ; elle m’a pourtant aussitôt reconnu. (Je ne pense pas qu’ils reçoivent beaucoup de visites.) Du reste, très peu changée elle-même ; mais (est-ce parce que je suis prévenu contre elle), ses traits m’ont paru plus durs, son regard plus aigre, son sourire plus faux que jamais.

« — Je crains que Monsieur de La Pérouse ne soit pas en état de vous recevoir, m’a-t-elle dit aussitôt, manifestement désireuse de m’accaparer ; puis, usant de sa surdité pour répondre sans que je l’aie questionnée :

« — Mais non, mais non, vous ne me dérangez pas du tout. Entrez seulement.

« Elle m’introduisit dans la pièce où La Pérouse a