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paléontologistes, irraisonnables et inélégantes ! Quelle économie a permis la subsistance de certaines formes ! la contemplation de celles-ci m’explique le délaissement des autres. Même la botanique peut nous instruire. Quand j’examine un rameau, je remarque qu’à l’aisselle de chacune de ses feuilles, il abrite un bourgeon, capable, l’an suivant, de végéter à son tour. Quand j’observe que, de tant de bourgeons, deux tout au plus se développent, condamnant à l’atrophie, par leur croissance même, tous les autres, je ne me retiens pas de penser qu’il en va de même pour l’homme. Les bourgeons qui se développent naturellement sont toujours les bourgeons terminaux — c’est-à-dire : ceux qui sont les plus éloignés du tronc familial. Seule la taille, ou l’arcure, en refoulant la sève, la force d’animer les germes voisins du tronc, qui fussent demeurés dormants. Et c’est ainsi qu’on mène à fruit les espèces les plus rétives, qui, les eût-on laissées tracer à leur gré, n’eussent sans doute produit que des feuilles. Ah ! quelle bonne école qu’un verger, qu’un jardin ! et quel bon pédagogue, souvent, on ferait d’un horticulteur ! On apprend plus de choses, souvent, pour peu que l’on sache observer, dans une basse-cour, un chenil, un aquarium, une garenne ou une étable, que dans les livres, et même, croyez-moi, que dans la société des hommes, où tout est plus ou moins sophistiqué.

Puis Vincent parla de la sélection. Il exposa la méthode ordinaire des obtenteurs pour avoir les plus beaux semis ; leur choix des spécimens les plus