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XVII


— Je m’intéresserais davantage aux animaux, si je m’intéressais moins aux hommes, avait dit Robert. Et Vincent répondait :

— Peut-être que vous croyez les hommes trop différents d’eux. Il n’est pas de grande découverte en zootechnie qui n’ait eu son retentissement dans la connaissance de l’homme. Tout cela se touche et se tient ; et je crois que ce n’est jamais impunément qu’un romancier, qui se pique d’être psychologue, détourne les yeux du spectacle de la nature et reste ignorant de ses lois. Dans le Journal des Goncourt, que vous m’avez donné à lire, je suis tombé sur le récit d’une visite aux galeries d’histoire naturelle du Jardin des Plantes, où vos charmants auteurs déplorent le peu d’imagination de la Nature, ou du Bon Dieu. Par ce pauvre blasphème, se manifeste la sottise et l’incompréhension de leur petit esprit. Quelle diversité, tout au contraire ! Il semble que la nature ait essayé tour à tour toutes les façons d’être vivante, de se mouvoir, usé de toutes les permissions de la matière et de ses lois. Quelle leçon dans l’abandon progressif de certaines entreprises