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— Je t’ai montré la porte de ma chambre ; elle donne droit sur l’escalier, un demi-étage avant d’arriver chez nous.

— Tu m’as dit que ton frère couchait là aussi ?

— Georges, oui.

— Vous êtes seuls tous les deux ?

— Oui.

— Le petit sait se taire ?

— S’il le faut. Pourquoi ?

— Écoute. J’ai quitté la maison ; ou du moins je vais la quitter ce soir. Je ne sais pas encore où j’irai. Pour une nuit, peux-tu me recevoir ?

Olivier devint très pâle. Son émotion était si vive qu’il ne pouvait regarder Bernard.

— Oui, dit-il ; mais ne viens pas avant onze heures. Maman descend nous dire adieu chaque soir, et fermer notre porte à clef.

— Mais alors…

Olivier sourit :

— J’ai une autre clef. Tu frapperas doucement pour ne pas réveiller Georges s’il dort.

— Le concierge me laissera passer ?

— Je l’avertirai. Oh ! je suis très bien avec lui. C’est lui qui m’a donné l’autre clef. À tantôt.

Ils se quittèrent sans se serrer la main. Et tandis que Bernard s’éloignait, méditant la lettre qu’il voulait écrire et que le magistrat devait trouver en rentrant, Olivier, qui ne voulait pas qu’on ne le vît s’isoler qu’avec Bernard, alla retrouver Lucien Bercail que les autres laissent un peu à l’écart. Olivier l’aimerait beaucoup s’il ne lui préférait