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pas s’apprêter à céder, lorsque le démon fera miroiter devant les yeux de Vincent la possibilité de la grossir ?

3° Constance et force d’âme. Besoin, après la perte de cette somme, de se sentir « au-dessus de l’adversité ». C’est cette « force d’âme » qui lui permet d’avouer ses pertes de jeu à Laura ; et qui lui permet, par la même occasion, de rompre avec elle.

4° Renoncement au bon motif, considéré comme une duperie, à la lueur de la nouvelle éthique que Vincent se trouve devoir inventer, pour légitimer sa conduite ; car il reste un être moral, et le diable n’aura raison de lui, qu’en lui fournissant des raisons de s’approuver. Théorie de l’immanence, de la totalité dans l’instant ; de la joie gratuite, immédiate et immotivée.

5° Griserie du gagnant. Dédain de la réserve. Suprématie.

À partir de quoi, le démon a partie gagnée.

À partir de quoi, l’être qui se croit le plus libre, n’est plus qu’un instrument à son service. Le démon n’aura donc de cesse, que Vincent n’ait livré son frère à ce suppôt damné qu’est Passavant.

Vincent n’est pas mauvais, pourtant. Tout ceci, quoiqu’il en ait, le laisse insatisfait, mal à l’aise. Ajoutons encore quelques mots :

On appelle « exotisme », je crois, tout repli diapré de la Maya, devant quoi notre âme se sente étrangère ; qui la prive de points d’appui. Parfois telle vertu résisterait, que le diable avant d’attaquer,