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dent deux complices. On frappa de nouveau. Tous deux ensemble dirent :

— Entrez.

Depuis quelques instants déjà, Édouard écoutait derrière la porte, étonné d’entendre des voix dans la chambre de Laura. Les dernières phrases de Bernard l’avaient instruit. Il ne pouvait douter de leur sens ; il ne pouvait douter que celui qui parlait ainsi fût le voleur de sa valise. Son parti fut pris aussitôt. Car Édouard est un de ces êtres dont les facultés, qui dans le tran-tran coutumier s’engourdissent, sursautent et se bandent aussitôt devant l’imprévu. Il ouvrit donc la porte, mais resta sur le seuil, souriant et regardant tour à tour Bernard et Laura, qui tous deux s’étaient levés.

— Permettez, chère amie, dit-il à Laura, avec un geste comme pour remettre les effusions à plus tard. J’ai tout d’abord quelques mots à dire à Monsieur, s’il veut bien venir un instant dans le couloir. Le sourire devint plus ironique sitôt que Bernard l’eut rejoint.

« — Je pensais bien vous trouver ici. Bernard comprit qu’il était brûlé. Il ne lui restait plus qu’à payer d’audace ; ce qu’il fit, et sentant qu’il jouait son va-tout :

— J’espérais vous y rencontrer.

— D’abord, et si vous ne l’avez déjà fait (car je veux croire que vous êtes venu pour cela), vous allez descendre et régler au bureau la note de Madame Douviers, avec l’argent que vous avez trouvé dans